Sanitaire
Aujourd’hui nous interviewons Alexis, le psychomotricien de notre équipe qui prépare son titre d’expert. Ses connaissances en psychomotricité nous aident à développer notre solution de réalité virtuelle thérapeutique.
Bonjour, je suis psychomotricien diplômé d'État en France et suis actuellement le Master Internacional en Psicomotricidad de l'Université de Murcia au sein de l’Institut Supérieur de Rééducation Psychomotrice (ISRP) pour l'obtention du titre d'expert en psychomotricité à référentiel européen. J’aime découvrir et explorer tout un tas de domaines, notamment celui des nouvelles technologies, si prometteuses dans leur approche humaniste et optimiste.
J'ai rejoint Lumeen en octobre 2019 pour contribuer au développement et à la coordination de la R&D (Recherche et Développement) en m’appuyant sur mes connaissances en gérontologie et en psychomotricité. Je participe à l’élaboration de prototypes thérapeutiques qui utilisent la réalité virtuelle ; à la mise en place de projets de co-conception centrés sur l’utilisateur impliquant patients et soignants ; ainsi qu’à l’édification de projets scientifiques avec des équipes de recherche hospitalières et universitaires comme les Hospices Civils de Lyon, l'Université de Paris, l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, et le Gérontopôle Île-de-France.
De nos jours la e-santé est un domaine qui connaît un certain essor, et si je me suis éloigné de la clinique pour un temps, c'est pour mieux participer à la construction des outils thérapeutiques de demain qui pourront bénéficier à de nombreuses personnes dans un avenir proche. Les concepts en psychomotricité, bien que rarement représentés dans le monde de l’innovation en santé, me paraissent essentiels à la réalisation de tels projets qui mêlent corps et psyché. La réalité virtuelle est une expérience psychocorporelle à part qui demande encore à être complètement comprise et décrite. En ce qui me concerne prendre part à de la recherche clinique pour mieux comprendre ses effets sur la santé est particulièrement enthousiasmant, tout comme co-concevoir avec les personnes âgées institutionnalisées et leurs soignants les espaces thérapeutiques de demain. Par ailleurs exercer en entreprise tel que je le fais me conforte dans l’idée qu’il existe un intérêt certain à ce que les psychomotriciens et autres soignants intègrent ce large champ d’intervention où leurs compétences sont utiles et recherchées.
Je dirais que le potentiel est multidirectionnel de par ses possibilités d’usage. La réalité virtuelle peut aussi bien servir l’évaluation, la prévention (dans l’étendue complète de son spectre), que le curatif. Quelle que soit la structure d'accueil, l’indication ou les modalités de prise en soin, il existe une place pour la réalité virtuelle du moment que les outils sont correctement pensés pour s'articuler avec les réalités du terrain.
Le potentiel de la réalité virtuelle tient aussi au fait qu'elle alimente les possibilités d’interventions non-médicamenteuses tant sollicitées, notamment par la HAS (2011). De plus le rapport Bourquin-Aquino (2019) a récemment identifié un besoin d’intégration des nouvelles technologies au service du bien vieillir, tout comme la Fédération Hospitalière de France (FHF) et la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) appellent les pouvoirs publics à développer “massivement” les nouvelles technologies au service du grand âge. De mon point de vue la réalité virtuelle est un médiateur thérapeutique séduisant car il permet de réaliser des soins auparavant inconcevables : dès lors que l'on s'ouvre à ses possibilités on accède à de nombreux nouveaux moyens d’accompagnement. Enfin comment ne pas évoquer le pouvoir écologique de la réalité virtuelle, substrat fondamental de son potentiel lié à l’effet de contextualisation et au sentiment de présence dans l’immersion, qui selon la littérature déjà bien fournie peut-être si bénéfique aux sphères psychologiques et psychomotrices. Celui-ci est notamment permis par la reproduction fidèle, bien qu’encore non-exhaustive, des interactions sensori-motrices avec le monde numérique (ou numérisé). Mais ce sujet mérite à lui seul un écrit dédié, peut-être dans un prochain article… !
Lorsque l’on conçoit du contenu thérapeutique qui utilise la réalité virtuelle, il ne s'agit pas seulement de penser à une expérience et de la concrétiser. Il convient avant tout de penser la forme, de tenir compte des besoins réels du terrain, et de réfléchir à la place qu'un tel outil peut tenir ou non dans une institution ou une organisation. Par exemple, il ne s'agit pas de remplacer les moyens thérapeutiques actuels par un outil numérique qui reprend les mêmes actions sur un écran ; mais bien d’offrir aux soignants de nouveaux moyens de prise en soin qui valorisent la liberté d’exercice, la relation thérapeutique, et le rôle propre de chacun. Ceci en concevant des outils simples d'utilisation, flexibles, et spécifiques, pour s’harmoniser aux situations de soin variables et multiformes.
Si les concepteurs prennent en compte ces impératifs, alors je ne vois pas de raison pour que la réalité virtuelle ne devienne pas répandue chez les psychomotriciens, comme chez les autres soignants. De cette façon je pense que la réalité virtuelle s’intègre bien à la pratique psychomotrice car elle place le soigné au coeur de l’expérience thérapeutique, laquelle est généralement revitalisée d’un plaisir particulier et intrinsèque au moyen. D’un point de vue clinique la série “Des lendemains hybrides” de Laurent Bonnotte, accessible via le site guide-psycho.com, montre une partie des questionnements profonds que soulève la réalité virtuelle en psychomotricité.
Enfin, la technologie évolue rapidement. Les casques sont de plus en plus légers, puissants et de moins en moins onéreux, ce qui facilite leur usage. De nouvelles fonctionnalités font leur apparition comme le hand-tracking (suivi des mains) qui permet d’interagir avec le monde numérique à l’aide de son propre corps - du moins en partie - (voir vidéo ci-dessous).
https://www.youtube.com/watch?v=y1DmFKiQCvk
Crédit vidéo : Road to VR
Il reste donc probablement de nombreuses applications cliniques à découvrir, aussi bien dans le champ psychothérapeutique que rééducatif. Lorsque l’on ressent, ou mesure, les effets de la réalité virtuelle sur soi-même ou sur autrui, il serait dommage de croiser son chemin sans en profiter. La véritable question est donc la suivante : l’identité professionnelle des psychomotriciens et des autres soignants est-elle prête à s’y essayer ?
➡️ Si le sujet de la réalité virtuelle thérapeutique vous intéresse et que vous souhaitez contribuer à son développement ou à des projets de recherche clinique, vous pouvez nous contacter à recherche@lumeen.com
Références :
Bourquin, M. & Aquino, J.-P. (2019). Les innovations numériques et technologiques dans les établissements et services pour personnes âgées. https://www.france-silvereco.fr/plugin-documentation/doc/44.pdf
Haute Autorité de Santé. (2011). Développement de thérapeutiques non médicamenteuses validées. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2011-06/developpement_de_la_prescription_de_therapeutiques_non_medicamenteuses_rapport.pdf
Road to VR. (2018). Oculus Hand-tracking Research [vidéo]. Youtube. https://www.youtube.com/watch?v=y1DmFKiQCvk