08/2024
5 min
Sanitaire
Réalité virtuelle et hypnose médicale : un duo gagnant pour la santé
Estelle Bonin
Chargée d'études cliniques
Sanitaire
Après avoir abordé les principes de l'hypnose médicale dans un précédent article, nous allons maintenant explorer comment cette pratique peut bénéficier des avancées de la réalité virtuelle.
Le principe de la réalité virtuelle hypnotique est d'utiliser les casques de réalité virtuelle pour créer un environnement immersif propice à l'état d'hypnose. Le patient est plongé dans un monde virtuel conçu pour stimuler la visualisation, induire une relaxation profonde et favoriser une concentration accrue. Les suggestions hypnotiques sont alors intégrées à cet environnement, guidant l'utilisateur vers un état modifié de conscience.
Les séances d'hypnose en réalité virtuelle sont souvent perçues comme plus engageantes et plaisantes, ce qui permet d’améliorer l’expérience du patient en renforçant son adhésion au protocole d’hypnose ainsi que sa satisfaction globale. En rendant la séance d'hypnose plus ludique, la réalité virtuelle peut, entre autres, faciliter l'adhésion des patients qui pourraient être réticents ou incapables de participer à des séances d’hypnose classiques, comme les enfants ou les personnes anxieuses.
Grâce à la réalité virtuelle, les scènes hypnotiques prennent vie sous forme d'environnements immersifs. Ceci permet de pallier les difficultés de visualisation que certains patients peuvent rencontrer et de renforcer l’ancrage des suggestions hypnotiques. Avec l’ajout d’un casque audio réducteur de bruit, il est par ailleurs possible d’isoler encore plus le patient en le coupant des sons extérieurs, ce qui peut être, par exemple, très utile au bloc opératoire. La réalité virtuelle permet de créer des environnements thérapeutiques sûrs et contrôlés, idéaux pour toute situation anxiogène dans un cadre rassurant.
L'association de l'hypnose et de la réalité virtuelle dans le domaine de la gestion de la douleur et de l'anxiété suscite un intérêt croissant [1], [2]. Plusieurs études ont démontré que la combinaison de ces deux techniques permettait de diminuer significativement l'intensité de la douleur, aussi bien dans des contextes expérimentaux que cliniques pour la prise en charge des douleurs aiguë, chronique et neuropathique, à l’hôpital ou à domicile [3], [4], [5], [6], [7].
Une étude menée en 2014 a comparé l'efficacité de l'hypnoanalgésie et de la réalité virtuelle dans la réduction de la douleur chez des individus présentant différents niveaux d'hypnotisabilité [8]. Cent vingt étudiantes ont été réparties en quatre groupes : un groupe contrôle, un groupe utilisant la réalité virtuelle immersive (le jeu Snow World) pendant la stimulation douloureuse, un groupe recevant une séance d'hypnose concomitante à la stimulation, et un dernier groupe combinant hypnose préliminaire et réalité virtuelle. Les résultats ont démontré que les trois groupes d'intervention (réalité virtuelle, hypnose et combinaison des deux) étaient significativement plus efficaces pour réduire la douleur que le groupe contrôle. Cependant, l'efficacité de l'hypnose variait en fonction du degré d'hypnotisabilité des participants : les personnes hautement hypnotisables ont tiré un bénéfice plus important de cette technique. En revanche, la réalité virtuelle s'est avérée efficace pour réduire la douleur chez tous les participants, indépendamment de leur niveau d'hypnotisabilité.
Il est important de noter que si les résultats sont prometteurs, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes d'action de la combinaison entre hypnose médicale et réalité virtuelle et pour identifier les populations de patients qui en bénéficieraient le plus. De plus, la mise en place de protocoles standardisés est essentielle pour assurer la reproductibilité des résultats et faciliter l'intégration de cette approche dans les pratiques cliniques.
Les casques de réalité virtuelle, tels que Lumeen, offrent aux soignants un outil innovant à intégrer dans leur pratique de l'hypnose médicale. Ils peuvent également être combinés à d’autres techniques non médicamenteuses telles que la cohérence cardiaque ou la musicothérapie, afin de proposer des thérapies non pharmacologiques multimodales.
Ceci permet de démocratiser l'accès à l'hypnose médicale. En effet, avant leur apparition, seuls les professionnels formés à la pratique de l’hypnose médicale pouvaient proposer des séances. Or, il n’y a pas assez de professionnels formés pour répondre aux besoins de tous les patients. La réalité virtuelle offre une solution alternative intéressante : elle permet, en moins de deux minutes, à n’importe quel soignant de proposer une séance d’hypnose médicale à ses patients.
La réalité virtuelle permet également de standardiser les séances d'hypnose, garantissant une qualité constante et reproductible. De plus, les scripts hypnotiques des expériences immersives sont disponibles dans plusieurs langues, ce qui permet de proposer des séances d’hypnose médicale à la patientèle internationale.
Toutefois, il est essentiel de souligner que la réalité virtuelle ne remplace en aucun cas l'expertise de l'hypnothérapeute. Le casque peut même s’utiliser en amont de l’intervention de l’hypnothérapeute. En créant un environnement immersif, l’expérience immersive facilite l'induction et l'approfondissement de l'état hypnotique, optimisant ainsi l'efficacité de l’intervention de l’hypnothérapeute. Par exemple, le casque peut être utilisé en préopératoire pour préparer les patients, permettant ainsi au professionnel de santé de se concentrer sur l'accompagnement personnalisé lors de la séance.
"Le casque de réalité virtuelle est un tremplin pour l’hypnose, un individu hyper relaxé est plus facile à hypnotiser, cela permet de le conditionner à bien placé sa respiration et à être détendu avant la séance d’hypnose classique."
Karin Buyst - Hypnothérapeute qui utilise les expériences Cayceo (anciennement Ipneo)
Par ailleurs, la pratique de l'hypnose médicale demande une concentration soutenue de la part de l'hypnothérapeute, ce qui induit de la fatigue. L’hypnothérapeute peut se "reposer" sur le casque lorsqu'il n'est pas en mesure de proposer une séance ou lorsqu'il y a du manque de personnel et qu'il doit être libéré pour faire autre chose.
La réalité virtuelle peut constituer une alternative intéressante pour les personnes faiblement hypnotisables, en complément ou en remplacement de l'hypnose, dans la gestion de la douleur et de l’anxiété. Si l’hypnose et la réalité virtuelle visent toutes deux à réduire la douleur et l’anxiété, elles le font par des voies différentes. L’hypnose sollicite la capacité de l’individu à se concentrer sur des suggestions, tandis que la réalité virtuelle propose un environnement immersif qui détourne l’attention. Néanmoins, des recherches plus approfondies sont encore nécessaires pour éclaircir les différences et synergies potentielles entre la réalité virtuelle et l'hypnose. Pour en apprendre plus sur le mécanisme du pouvoir de distraction de la réalité virtuelle pour la gestion de la douleur ainsi que des cas cliniques concrets, référez-vous à cet article.
Les équipes soignantes peuvent aussi bénéficier de la réalité virtuelle pour se détendre pendant leurs pauses, contribuant ainsi à améliorer leur qualité de vie au travail.
L'introduction de cette technologie en milieu clinique soulève néanmoins des enjeux organisationnels. Il faut notamment prévoir un temps de mise en œuvre (préparation, nettoyage et rangement du matériel) et sécuriser le matériel pour éviter les vols.
Nous proposons des solutions de réalité virtuelle clefs en main adaptées aux soins de santé.
Notre module Relaxation a été conçu en collaboration avec les anesthésistes et hypnothérapeutes du Groupement Hospitalier Sud des Hospices Civils de Lyon pour détourner l’attention de l’anxiété et de la douleur avant, pendant et après des soins complexes et anxiogènes. Il combine des environnements calmes et apaisants (plages, montagnes, balade au bord de lac…), avec de la musicothérapie et un accompagnement verbal basé sur des concepts d’hypnose médicale. Initialement pensé pour la gestion de l’anxiété et de la douleur à l’hôpital, il trouve sa place en EHPAD et résidences lors de soins infirmiers ou pour des séances de relaxation conventionnelle, individuelles ou collectives. Ces expériences, disponibles en 5 langues, offrent une solution innovante pour favoriser le bien-être et la relaxation
Nous avons aussi racheté Cayceo fin 2022 pour enrichir notre catalogue d’expériences immersives avec hypnose médicale. Les expériences Cayceo s'inspirent des mêmes principes que le module Relaxation : des paysages apaisants, une musique douce et un guide vocal (Cloudy le nuage) accompagnent le patient dans un voyage relaxant. Particulièrement adaptées aux enfants grâce à leur esthétique soignée et colorée, ces expériences ont été conçues en collaboration avec des psychologues et des médecins réanimateurs, sous la direction scientifique du Pr Antoine Bioy (responsable scientifique chez IPNOSIA). Les scénarios et les scripts proposés sont variés et s'adaptent à différentes situations : hypnoanalgésie, hypnosédation et hypnorelaxation. Des scripts en tutoiement sont également disponibles pour la pédiatrie.
Pour demander une démo, c’est par ici.
La réalité virtuelle :
Crédit photo : Coline Bachelier
[1] H. Jafarizadeh, M. Lotfi, F. Ajoudani, A. Kiani, et V. Alinejad, « Hypnosis for reduction of background pain and pain anxiety in men with burns: A blinded, randomised, placebo-controlled study », Burns, vol. 44, no 1, p. 108‑117, févr. 2018, doi: 10.1016/j.burns.2017.06.001.
[2] K. E. Valentine, L. S. Milling, L. J. Clark, et C. L. Moriarty, « The Efficacy of Hypnosis as a Treatment for Anxiety: A Meta-Analysis », Int. J. Clin. Exp. Hypn., vol. 67, no 3, p. 336‑363, juill. 2019, doi: 10.1080/00207144.2019.1613863.
[3] C. Kendrick et al., « Hypnosis for Acute Procedural Pain: A Critical Review », Int. J. Clin. Exp. Hypn., vol. 64, no 1, p. 75‑115, janv. 2016, doi: 10.1080/00207144.2015.1099405.
[4] C. Terzulli et al., « Virtual reality hypnosis diminishes experimental cold pain and alters autonomic responses », Front. Pain Res., vol. 4, p. 1237090, nov. 2023, doi: 10.3389/fpain.2023.1237090.
[5] T. Maddox et al., « In-home virtual reality program for chronic low back pain: durability of a randomized, placebo-controlled clinical trial to 18 months post-treatment », Reg. Anesth. Pain Med., p. rapm-2022-104093, nov. 2022, doi: 10.1136/rapm-2022-104093.
[6] S. Moreau et al., « Virtual Reality in Acute and Chronic Pain Medicine: An Updated Review », Curr. Pain Headache Rep., avr. 2024, doi: 10.1007/s11916-024-01246-2.
[7] P. D. Austin et P. J. Siddall, « Virtual reality for the treatment of neuropathic pain in people with spinal cord injuries: A scoping review », J. Spinal Cord Med., vol. 44, no 1, p. 8‑18, janv. 2021, doi: 10.1080/10790268.2019.1575554.
[8] V. Enea, I. Dafinoiu, D. Opriş, et D. David, « Effects of Hypnotic Analgesia and Virtual Reality on the Reduction of Experimental Pain Among High and Low Hypnotizables », Int. J. Clin. Exp. Hypn., vol. 62, no 3, p. 360‑377, juill. 2014, doi: 10.1080/00207144.2014.901087.
La réalité virtuelle
sociale & thérapeutique.
